Histoire politique et juridique du pays :
Le territoire correspondant au Liban actuel a été le site de nombreuses cultures et formations politiques dès le troisième millénaire av. JC. La civilisation phénicienne a pris essor sur la côte libanaise où elle se développa autour de cités portuaires et rayonna sur le pourtour méditerranéen. La Phénicie fut par la suite tributaire d’autres pouvoirs politiques. Elle tomba sous l’influence des Hittites et des Égyptiens et fut assujettie par les empires assyrien et babylonien. En 539 av. JC, le territoire est conquis par la Perse achéménide puis il tombe sous l’influence de la Grèce hellénistique en 332 av. JC. Il est par la suite annexé par Rome en 64 av. JC et resta sous occupation romaine et byzantine, avec une brève période perse sassanide, au VIe siècle.
Les conquêtes arabo-musulmanes du VIe siècle intègrent le territoire du Liban aux pouvoirs du Califat des Rashidun, des empires omeyade, abbaside, fatimide, du Sultanat des Mamelouk puis des Turcs Seldjoukides. Lors de la période des croisades, le Liban a été divisé par les États latins d’Orient : le Comté de Tripoli au Nord et le Royaume de Jérusalem au sud. Au XVIe siècle, le Liban est finalement absorbé par l’Empire Ottoman et le restera jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale en 1918.
L’histoire du Liban moderne commence au début de XXe siècle, plus précisément le 1er septembre 1920, lorsque ce jeune territoire entre sous mandat français confié par la Société des Nations ; il est alors appelé le “ Grand Liban”. La France, s’engagea, par la Charte du mandat de 1922, à organiser et à développer le pays en le dotant d’un statut organique. Henri Jouvenel, en tant que Haut-commissaire de la République française, supervise la rédaction de la constitution de ce nouvel État qui entre en vigueur le 23 mai 1926. Cette même année, le Grand Liban sera appelé “ la République libanaise”.
La tradition juridique de ce pays est un double héritage, à la fois de celui de la France, que ce soit par la dualité de l’ordre juridique ainsi que l’élaboration de la Constitution libanaise qui se base sur celle de la Constitution française de 1875, mais également du droit ottoman qui fait que le statut personnel des individus est régi par des règles différentes suivant leur appartenance à une communauté religieuse.
Le 22 novembre 1943, le Liban devient officiellement indépendant. Un pacte national est adopté entre les principales communautés religieuses et ethniques composant le pays : musulmans shiites, sunnites, et chrétiens maronites. Ce pacte, non-écrit, mais référé dans la constitution, établi l’égalité politique entre les communautés. Dès lors, les institutions politiques libanaises sont réparties sur une base communautaire. Le président de la République doit être chrétien maronite, le président du Conseil des ministres est sunnite et le président du Parlement est chiite.
En 1958, le Liban connait une crise politique et sociale qui est notamment liée aux divergences religieuses du pays. Une partie de la population souhaite que sa classe dirigeante rompe ses rapports avec la France et le Royaume-Uni à cause des affrontements entre ces deux acteurs et l’Égypte lors de la crise du canal de Suez (1956). Une partie de la population souhaite également rejoindre la République Arabe-unie. Cependant, le pouvoir en place refuse ; ce qui, de manière simplifiée, créera des affrontements entre Libanais. Le résultat de tout cela mènera à la fin du mandat du président de l’époque Camille Chamoun et l’élection d’un nouveau président Fouad Chéhab.
En 1975, commence la guerre civile libanaise qui durera 15 ans. Les facteurs qui mènent à ce conflit ainsi que les acteurs sont multiples. Pour mettre fin à ce dernier, trois États (l’Algérie, l’Arabie Saoudite ainsi que le Maroc) tentent de trouver une solution en proposant les accords de Taëf qui furent signé à la fin de l’année 1989. Les points principaux qui résultent de ces accords sont : une réduction des pouvoirs du président de la République au profit de ceux du président du Conseil des ministres ; le nombre de députés qui passe à 108 avec un nombre identique de députés chrétiens et musulmans. (Jusqu’en 1990, 54 sièges sur 99 étaient attribués aux chrétiens et 45 revenaient aux musulmans. A l’heure actuelle, les 128 sièges sont répartis à raison de 64 sièges pour les chrétiens et 64 pour les musulmans, dont 43 pour les maronites, 27 pour les sunnites, 27 pour les chiites, 20 pour les orthodoxes, 8 pour les druzes, 2 pour les alaouites et 1 pour les évangéliques.) ; la dissolution des milices ainsi que l’alignement des politiques économiques, culturelles et extérieures libanaise sur celles de la Syrie. En 1991, le texte constitutionnel est alors amendé pour ajouter un préambule allant dans le sens des accords de Taëf.Dynamique de la présence historique de l’islam dans le pays :
La présence de l’islam dans le territoire correspondant au Liban commence dès le début des conquêtes arabes avec le Calife Omar Ibn al Khattab après la victoire du Yarmouk qui les a opposées à l’Empire byzantin en 636. Par la suite, ce territoire tombe sous la domination des Omeyyades dont le pouvoir est centralisé à Damas. En 750, la dynastie des Abbassides prend le contrôle d’une partie de l’Empire omeyyade et étend son influence sur la région.
Au milieu du IXe siècle, la dynastie chiite des Fatimides prend le contrôle de la région. Le Liban, pour une grande partie de son histoire, sera sous influence extérieure et le théâtre de nombreux affrontements à caractère religieux ou communautaire, comme lors des différentes croisades.
En 1516, le Liban tombe sous l’influence de l’Empire ottoman jusqu’en 1919 puis passe sous mandat français.
Le pays se distingue par une composition communautaire et religieuse particulière. Les musulmans coexistent avec plusieurs autres communautés aussi bien musulmanes que non-musulmanes. Les Maronites, en premier lieu, sont des chrétiens orientaux catholiques installés dans la région du mont Liban depuis le VIIe siècle. En second lieu, le pays compte une communauté importante de Grecs orthodoxes de rite byzantin. Enfin, on dénombre une minorité druze, communauté qui se revendique à une forme de monothéisme abrahamique fondé à l’époque Fatimide.
S’agissant de l’Islam, les musulmans libanais se divisent principalement entre sunnites, chiites (jaafarites), alaouites, ismaélites et druzes. La proportion exacte de chacune de ces communautés reste inconnue, étant donné qu’aucun recensement n’a été effectué depuis la période mandataire en 1932.
Sur le plan politique, le parti politique Hezbollah, qui signifie “ le Parti de Dieu” occupe un poids considérable au Liban. Ce parti a initialement été créé en 1982 durant la guerre civile libanaise, afin de défendre les intérêts de la communauté chiite libanaise ainsi que les combattants palestiniens contre les attaques israéliennes. Il existe également une branche armée nommée “ la résistance islamique libanaise”. En plus d’être un acteur politique important du pays, il est également un acteur “ sécuritaire” du pays. L’accord de Taëf prévoyait la dissolution de toutes les milices libanaises ou non et la remise de leurs armes à l’État libanais dans un délai de six mois. La quasi-totalité des milices le fera sauf le Hezbollah qui se fonde sur un article qui prévoit l’adoption de toutes les mesures nécessaires pour libérer toutes les terres libanaises de l’occupation israélienne. Cette disposition a été utilisée par les gouvernements successifs pour légitimer la résistance armée et a permis au Hezbollah de garder ses armes.
Constitution et religions, Constitution et islam :
La Constitution en vigueur actuellement au Liban date du 23 mai 1926.Elle fut amendée en 1927 et 1929 pour renforcer les pouvoirs du président et fusionner les deux chambres du parlement. Toutes les références au mandat français furent retirées du texte lorsque le Liban obtint son indépendance en 1943. Après les accords de Taëf qui mirent fin à la guerre civile de 1975-1990, le texte constitutionnel fut à nouveau amendé en 1991. Depuis, cette Constitution est toujours en vigueur.
Selon l’article 9 de la Constitution, la république libanaise est un état multiconfessionnel : « La liberté de conscience est absolue. En rendant hommage au Très Haut, l'État respecte toutes les confessions, et en garantit et protège le libre exercice à condition qu'il ne porte pas atteinte à l'ordre public. Il garantit également aux populations, quel que soit le rite auquel elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. »
L’article 24 de la Constitution impose une égalité des sièges au parlement entre chrétiens et musulmans. Selon ce dernier : « La Chambre des députés est composée de membres élus dont le nombre et les modalités d'élection seront déterminés par les lois électorales en vigueur.
En attendant l'élaboration par la Chambre des députés d'une loi électorale sans contrainte confessionnelle, les sièges parlementaires seront répartis conformément aux règles suivantes :
a) A égalité entre chrétiens et musulmans.
b) Proportionnellement entre les communautés de chacune de ces deux catégories.
c) Proportionnellement entre les régions ».
Selon l’article 95, « la Chambre des Députés, élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens, doit prendre les dispositions adéquates en vue d'assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes. Un comité national sera constitué et présidé par le président de la République, comprenant en plus du président de la Chambre des députés et du président du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales ».
Système juridique et judiciaire (grandes lignes) :
L’organisation juridictionnelle libanaise est inspirée en partie du droit français. Elle est basée sur une dualité entre l’ordre judiciaire et administratif, avec respectivement la Cour de cassation et le Conseil d’État au sommet de chacun des deux ordres. Le pluralisme législatif est par ailleurs garanti par la Constitution. Ainsi, chaque communauté est administrée par la loi de sa propre communauté en matière de statut personnel.
Chacune des cinq communautés musulmanes reconnues (sunnite, chiite (jaafarite), alaouite, ismaélite et druze) dispose de son propre ordre de juridictions. Contrairement aux juridictions des communautés non-musulmanes, ces juridictions s’insèrent dans l’appareil d’Etat et celui-ci doit les prendre en charge financièrement et administrativement.
Une loi de 1962 (Qanun al-mahakim al-shar‘iyya) organise le fonctionnement et la procédure des tribunaux chiites (jaafarites) et sunnites ; le Code de procédure civile de 1983 s’applique à titre subsidiaire. Les tribunaux des druzes sont organisés par un décret de 1960 (n° 3473). La communauté alaouite est organisée par un règlement (n° 448) de 1995. Le juge alaouite doit juger en matière de statut personnel en application de la loi jaafarite (art. 32 du règlement de 1995).Les ismaélites n’ont pas leurs propres règles d’organisation ni de loi du statut personnel et sont donc soumis par défaut aux règles de l’école hanafite et leurs conflits en matière de statut personnel relèvent des tribunaux sunnites.
Pour les autres communautés religieuses, elles disposent de juridictions autonomes qui sont financées par des acteurs privés. Leurs tribunaux délibèrent sur des sujets de l’ordre du droit privé et leurs décisions sont exécutoires après avoir été validées par le juge civil. 13 communautés non musulmanes sont aujourd’hui reconnues : 12 chrétiennes (maronite, grecque orthodoxe, grecque catholique melkite, arménienne grégorienne (orthodoxe), arménienne catholique, syrienne orthodoxe, syriaque, assyro-chaldéenne, chaldéenne, latine, protestante et copte), ainsi qu’une communauté israélite, qui se compose des synagogues d’Alep, de Damas et de Beyrouth.
En général, pour les communautés chrétiennes, chaque communauté dispose de son propre tribunal. La fonction de juge de première instance est occupée par des ecclésiastiques qui ont obtenu une licence en droit canonique. Il est possible de faire une procédure d’appel pour être jugé par le “ patriarche” de sa religion. Pour les communautés qui reconnaissent le Pape, elles peuvent également saisir le “ tribunal de la Rote” à Rome pour statuer. Cette manière de procéder est héritée de l’Empire ottoman où les tribunaux entre musulmans et non-musulmans étaient distincts.
Les pourvois en cassation sont tous formé devant la Cour de cassation libanaise.
En matière pénale, le Code pénal ottoman de 1858 est resté en vigueur jusque l’indépendance du pays en 1943. Ce code était principalement inspiré du Code pénal français de 1810. Un nouveau code a par la suite été adopté en 1943, suivi d’un Code de procédure criminelle en 1948, qui a subi plusieurs amendements notamment en 1958 et 1983.
Droit de la famille (grandes lignes, textes principaux) :
Le droit de la famille varie selon la communauté religieuse à laquelle on appartient. Effectivement, l’aspect religieux est présent dans toutes les étapes de la vie de la famille. Prêtres, cheikhs, imams, rabbins sont présents, surtout lors d’un mariage ou d’un divorce.
Les sources de ce droit sont nombreuses et dépendent souvent des codes du statut personnel de chaque communauté religieuse. Il convient ici de rappeler qu’à ce jour le mariage civil n’est pas permis dans le pays. Certains couples interreligieux se marient à l’étranger, notamment à Chypre et font ensuite reconnaitre et enregistrer leur mariage civil au Liban. Toutefois, ce mariage sera régi par la loi de célébration de celui-ci et les juridictions civiles pourront en connaitre.
Les modalités de dissolution d’un mariage dépendent également des communautés religieuses. Il est par exemple possible de divorcer pour un musulman sunnite selon certaines conditions. Les catholiques ne reconnaissent pas le divorce mais la nullité du mariage selon certaines conditions.
Le Liban a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1992 sans émettre de réserve. En 1997, il adhère à la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Toutefois, il formule des réserves à l’égard du paragraphe 1 de l’article 9 (en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes dans la transmission de la nationalité) des alinéas c, d, f et g (en ce qui concerne le droit au choix du nom de famille) et du paragraphe 1 de l’article 16 (en ce qui concerne l’égalité dans le cadre du mariage et des relations familiales).
Au regard d’une loi de 1925, la mère libanaise ne peut transmettre sa nationalité à ses enfants ou à son mari. Le père, lui, transmet sa nationalité à ses enfants au moment où il les inscrit sur les registres de l’état civil et à son épouse six mois après la transcription du mariage sur les registres de l’état civil en présentant une demande auprès des autorités concernées. Cette différence de traitement dans la transmission de la nationalité entre hommes et femmes est justifiée par certains par la peur que les femmes introduisent un étranger dans le tissu familial et social. Cette peur a été accentuée par la guerre en Syrie et le mariage de Libanaises et de Syriens et de réfugiés palestiniens.
Droit de la sexualité (relations hors-mariage, homosexualité, pédophilie, viol, avortement, etc.) :
Relations sexuelles hors mariage :
Les relations sexuelles hors mariage consenties ne sont pas pénalement sanctionnées au Liban. Toutefois, l’enfant né en dehors des liens du mariage est considéré comme naturel et « illégitime ». La mère peut reconnaitre l’enfant qui sera inscrit sur le registre familial de son grand-père maternel.
Homosexualité :
L’article 534 du code pénal précise que « toute conjonction sexuelle charnelle contre l’ordre de la nature sera punie de l’emprisonnement jusqu’à une année ». Un projet de code pénal établi en 2001 proposait de supprimer l’article 534 mais n’est pas allé jusqu’à son terme. Plusieurs juges ont toutefois refusé de considérer des rapports sexuels consentis entre personnes du même sexe comme étant des actes contre nature. En 2009, un juge pénal avait ordonné la relaxe d’un homosexuel. En 2014, un autre juge a acquitté une transsexuelle inscrite au registre d’état civil comme étant de sexe masculin et accusée d’avoir des relations sexuelles « contre nature » avec des hommes. En juillet 2018, c’est la cour d’appel du Mont-Liban qui a rendu un arrêt en considérant que l’article 534 étant situé à la section du code pénal relative à « l’outrage à la pudeur publique et aux bonnes mœurs », celui-ci vise les rapports ayant eu lieu avec un mineur ou dans un endroit public ou dans un endroit privé dans lequel la conjonctions peut être vue ou entendue par un tiers.
Avortement :
Le Code pénal libanais interdit l’avortement. Les articles 539 à 546 du Code pénal libanais prévoient une peine d’emprisonnement pour la femme qui se fait avorter ainsi qu’au médecin effectuant l’acte.
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