Histoire politique et juridique du pays :
Le territoire actuel du Soudan a vu se succéder plusieurs royaumes et dynasties jusqu’au début du XIXe siècle, période durant laquelle le royaume funj de Sennar, après une série de luttes intestines, sera conquis par l’Égypte en 1821. Cette conquête aura de lourdes conséquences sur les populations locales, car l’Égypte imposera d’importantes taxes et impôts, et enrôlera les hommes pour créer des forces armées servant à son expansion dans la vallée du Nil, afin de faciliter la traite des esclaves dont elle tire profit. Très rapidement, des révoltes auront lieu, culminant avec l’arrivée de Mohamed Ahmed ibn Abd Allah, dit le Mahdi (le sauveur), qui remportera des succès contre les garnisons égyptiennes au Soudan, renforçant ses troupes et ses armements, lui permettant de continuer sa révolte. Il conquiert le pays entre 1881 et 1884, sa révolte éveille pour la première fois une conscience nationale au Soudan.
Les Britanniques voient leurs intérêts menacés. Ils entreprennent la colonisation du pays en 1896 et établissent, en 1899, un condominium anglo-égyptien sur le Soudan. Le territoire est contrôlé de facto par l’Angleterre. Cette formule évite une annexion qui aurait tendu les relations avec l’Égypte, la France et la Turquie. Cependant, le mouvement mahdiste reste une force religieuse et politique vivace et mène des soulèvements en 1900, 1902, 1903, 1904 et 1908. Ces soulèvements, tout comme l’émeute arabe de Talodi dans les monts Nouba en 1906, connaîtront une répression brutale.
En 1953, un accord est signé entre la Grande-Bretagne et l’Égypte pour accorder l’indépendance au Soudan actuel à l’issue d’une durée de 3 ans. Au même moment, l’Égypte retrouve son indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne. On parle alors du « Soudan anglo-égyptien » puisque entre 1899 et 1956, le pays est administré par l’Égypte et la Grande-Bretagne sous la forme d’un « condominium ».
L’indépendance du Soudan est proclamée le 1er janvier 1956 par le parlement soudanais qui expérimente la vie démocratique. Cet exercice de la démocratie par le jeune Etat soudanais fut court, car le 17 novembre 1958, Ibrahim Abboud (Lieutenant général de l’armée soudanaise) mène un coup d’État et prend le pouvoir dans le pays.
Dès son arrivée au pouvoir, le parlement est dissout et le multipartisme est interdit, la constitution est également suspendue. Afin de diriger le pays, il met en place le « conseil suprême des forces armées », qui est composé de cinq membres (douze membres par la suite), qu’il dirige. Il s’autoproclame Premier ministre. Il met en place un programme d’arabisation et « d’islamisation » dans le système scolaire, même dans le Sud du pays qui est composé de populations chrétiennes qui ne se revendiquent pas arabes. Ceci provoqua plusieurs grèves qui se transformèrent en manifestations puis en affrontements entre le corps civil et armé à partir de 1963. Cette guerre civile dans le sud alimenta des débats dans le nord pour critiquer le pouvoir en place. Ibrahim Abboud démissionne le 15 novembre 1964. Suite à sa démission, un nouveau gouvernement civil émerge.
Le 25 mai 1966, un nouveau coup d’état a lieu mené par le colonel Gaafar Nimeiry durant la « révolution de mai ». Une fois au pouvoir, il suspend la constitution, dissous le Conseil suprême, l'Assemblée nationale, la Commission de la fonction publique et tous les partis politiques et réorganise l'armée. Il crée également le « Conseil national du commandement révolutionnaire » qu’il dirige et qui devient l’organe de direction du pays jusqu’en 1971. Il s’inscrit dans une politique socialiste et d’unité arabe, une ligne alors très comparable avec celle menée en Égypte par Nasser et en Libye par Kadhafi. En 1971, il est élu président de la République après un « référendum » remporté à plus de 98% des voix. Il dissout par la suite son conseil national et créé le parti unique du pays « l’Union socialiste soudanaise ».En 1972, il met fin à la première guerre civile soudaine, en accordant un statut d’autonomie à la région sud du Soudan. Durant la fin des années 1970, il tente de mener une politique de « réconciliation nationale ». Pour ce faire, le multipartisme est de nouveau possible dans le pays. Dans les années 1980, Nimeiry tente un rapprochement avec les frères musulmans en signant avec eux une alliance politique en 1981. C’est durant cette période qu’il islamise les lois et le pays. Il est finalement renversé par un coup d’état en 1985, un nouveau gouvernement civil voit le jour.
En 1989, le général de brigade Omar Al-Bashir mène un coup d’État et prend le pouvoir par la force. Dès son arrivée au pouvoir, Il suspend les partis politiques et introduit un code juridique islamique au niveau national. Il crée le nouvel organe du pouvoir, le « Conseil de commandement révolutionnaire pour le salut national » qu’il préside. Il trouve un allié puissant en la personne de Hassan Al-Tourabi, alors chef du parti « Front national islamique ». En 1992, Al Bashir, crée son propre parti : « Parti du Congrès national ». En 1993, il dissout son conseil et se proclame président. En1998, une nouvelle constitution est appliquée. En 1999, Al Bashir envoie des forces armées au parlement pour arrêter Al-Tourabi, qu’il juge trop proche de certains radicaux religieux. En 2005, un accord est signé avec le « mouvement populaire de libération du Soudan » (SPLM) pour mettre fin aux conflits dans le sud du pays, et permet ainsi au Soudan du Sud deredevenir une région autonome.
En 2010, après une élection multipartite, Al-Bashir est de nouveau élu président, avec 68% des voix, bien que des observateurs de l’UE aient considéré que les normes internationales n’étaient pas respectées lors de cette élection. La République du Soudan du Sud (Soudan du Sud) devient officiellement indépendante de la République du Soudan (Soudan) le 9 juillet 2011. Le gouvernement du Qatar a facilité la signature d'un accord de paix entre le gouvernement du Soudan et le Mouvement de libération et de justice (LJM) le 14 juillet 2011 à Doha, au Qatar. Salva Kiir en devient le président.
À la fin de l’année 2018, plusieurs manifestations ont lieu demandant la démission d’Al-Bashir, il faudra attendre le 11 avril 2019 pour qu’il soit « démit » de ses fonctions après un coup d’état.
Le président actuel du Soudan est Abdel Fattah al-Burhan. Il préside de 2018 à octobre 2021 le « Conseil de souveraineté », l’organe de direction du pays. Il était composé de 5 conseillers militaires et 5 civils. Depuis le 11 novembre 2021, il est le Président du « Conseil de souveraineté de transition de la République du Soudan » qui a pour objectif de prendre en charge le processus démocratique du pays.
Le 21 novembre 2021, Al-Burhan a conclut un accord politique avec l’ancien premier ministre, Abdallah Hamdok, réaffirmant les termes de la coopération militaro-civile au cours de la période transitoire. L’accord en 14 points marque un retour au schéma institutionnel transitoire structuré par le précédent accord du 17 juillet 2019 et à la Charte constitutionnelle d’août 2019. Bien que cet accord ait été accueilli favorablement par la communauté internationale, il n’offre pas de remède à la vulnérabilité manifeste de l’équilibre des institutions, dont la fragilité a déjà été éprouvée par le coup du 25 octobre 2021. En outre, ce nouvel accord ne semble pas garantir le transfert de la présidence aux membres civils du Conseil souverain pourtant rétabli. Par conséquent, ses représentants rejetèrent l’accord du 21 novembre pour exiger le transfert sans condition des pouvoirs aux civils.
Dans ces circonstances, l’ancien premier ministre Abdallah Hamdok démissionna définitivement de ses fonctions le 2 janvier 2022, prenant ainsi acte du blocage des institutions transitoires. Depuis le début de l’année 2022, les manifestations anti-putsch se multiplient ainsi qu’une sanglante répression. Ce sont aujourd’hui les professionnels soudanais du droit et de la justice qui rejoignent en masse la contestation civile dans l’espoir de faire bouger les lignes. Ainsi, dans un communiqué du 19 janvier dernier, un collectif de plus de cinquante juges, dont le président de la magistrature soudanaise, estime que le coup du 25 octobre constitue une violation du pouvoir constituant soudanais. Dès lors, l’ensemble des mesures adoptées depuis par al-Burhan et l’armée soudanaise doivent être considérées par chacun comme étant invalides, y compris l’accord du 21 novembre. Le communiqué insiste également sur la responsabilité des membres militaires du Conseil souverain dans le meurtre de plus de soixante-dix manifestants.Dynamique de la présence historique de l’Islam dans le pays :
Le premier État islamique du Soudan a été fondé au début du XVIe siècle : le royaume de Sennar. L'islam soufi s'y répand, bénéficiant de la protection des souverains, bien que les relations entre les chefs de confréries et ces derniers ne soient pas toujours bonnes. D’autres acteurs de l'islamisation sont les grands hommes d'affaires, dont les intérêts rejoignent en partie les intérêts du pouvoir et des chefs religieux. Ces hommes ont aidé le royaume à prospérer en sécurisant les routes commerciales, notamment grâce à leurs pouvoirs de médiation.
Pendant la période mahdiste (1881-1898), la mobilisation politique visant à mettre fin à l'oppression coloniale des Turcs était basée uniquement sur la religion. Mais avec la mort du Mahdi, les problèmes liés aux divisions politiques internes et à la crise de la production agricole se sont intensifiés et ont empêché toute résistance sérieuse au néocolonialisme britannique. Le mahdisme est un mouvement politique et religieux qui a été important au Soudan à la fin du XIXe siècle. Il est basé sur la croyance en l’arrivée du Guide ou du Messie, Al Mahdi, qui reviendrait pour guider la Communauté musulmane. Ce messie est incarné en la personne de Muhammad Ahmad ibn Abd Allah Al-Mahdi. Son objectif était de renouer avec les anciennes pratiques de l’islam et de se défaire de l’influence égyptienne et britannique.
En 1969, le président Nimeiry arrive au pouvoir, avec le parti de l’Umma (issu du mouvement mahdiste) et les frères musulmans. Le régime s'est engagé à intégrer des composantes de ces forces dans l’ensemble de l’appareil d’État. Nimeiry travaille à l’islamisation du Soudan. Des tribunaux sont créés pour sanctionner tout ce qui est jugé contraire à la charia. Un Comité pour le Commandement du bien et la proscription du mal est créé. Les Frères musulmans sont au cœur de ce processus : leurs représentants sont les conseillers de Nimayri. Ils contrôlent les tribunaux ainsi que de nombreuses associations et organisations de jeunesse et siègent au Parlement.
En 1977, le président Nimeiry crée une « commission », menée par Hassan Al-Tourabi, qui a pour objectif de réviser les lois actuelles afin qu’elles soient en accord avec la sharia. L’alcool devient prohibé, les jeux d’argent ou encore l’usure également. En 1983, il est annoncé que le Code pénal laïc va être remplacé par un code qui respecte la sharia. Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux personnes de confessions musulmanes. En 1984, la « zakat » (l’aumône) devient obligatoire, des tribunaux spécifiques sont créés afin de prononcer des peines dites « islamiques ».Constitution et religions, Constitution et Islam :
Dans la nouvelle Constitution de 2019, on ne trouve pas mention de la religion. Effectivement, celle-ci se veut neutre par rapport aux cultes. L’article 4 de la Constitution énonce : « ...sans discrimination fondée sur la race, la religion, la culture… ». L’article 48 précise que les citoyens soudanais sont tous égaux devant la loi, peu importe leur religion ou leurs croyances.
Cette nouvelle Constitution est en totale opposition avec la précédente, celle de 2005. Celle-ci était fortement inspirée par la sharia. La constitution établit par exemple que dans le nord du Soudan un système bancaire « islamique » est mis en place. L’Etat avait comme devoir de règlementer les affaires religieuses, comme précisé dans l’article 5 de cette Constitution : « La législation promulguée au niveau national applicable au Sud-Soudan ou aux États du Sud-Soudan doit avoir comme sources de législation le consensus populaire, les valeurs et les coutumes du peuple du Soudan, y compris leurs traditions et croyances religieuses, eu égard à la diversité du Soudan ».
L’esprit des deux constitutions est radicalement opposé. La nouvelle constitution soudanaise se veut laïque contrairement à la précédente. De plus, cette nouvelle constitution tend notamment à changer les sources du droit soudanais, en diminuant, ou en retirant, la « sharia».
Comme énoncé dans l’article 4 de la Constitution de 2019, qui définit l’État soudanais : « La République du Soudan est un État indépendant, souverain, démocratique, parlementaire, pluraliste et décentralisé, où les droits et les devoirs sont fondés sur la citoyenneté sans discrimination fondée sur la race, la religion, la culture, le sexe, la couleur, le genre, le statut social ou économique, l'opinion politique, handicap, appartenance régionale ou toute autre cause. » Il n’existe donc pas d’obligation religieuse pour les citoyens soudanais.
L’article 48 rappelle que « tous les citoyens sont égaux devant la loi et qu’aucune discrimination ne doit être faite : les personnes sont égales devant la loi et ont droit à la protection de la loi sans discrimination fondée sur l'origine ethnique, la couleur, le sexe, la langue, la foi religieuse, l'opinion politique, l'origine raciale ou ethnique ou toute autre raison ».
L’existence de Dieu est reconnue cependant dans la Constitution, car d’après l’article 23 de la Constitution de 2019, le président de la République, les membres du conseil de la souveraineté ou encore les ministres doivent faire le serment de respecter les piliers de la démocratie avec Dieu comme témoin.
L’article 56de la Constitution de 2019 renforce de plus la volonté de respecter les croyances de chacun : « toute personne à droit à la liberté de croyance religieuse et de culte. Ils ont le droit de professer ou d'exprimer leur religion ou leur conviction par le culte, l'éducation, la pratique, l'accomplissement de rituels ou de célébrations, conformément aux exigences de la loi et de l'ordre public. Nul ne peut être contraint de se convertir à une religion à laquelle il ne croit pas ou de pratiquer des rites ou rituels qu'il n'accepte pas volontairement ».
L’article 57 de cette même constitution pénalise également l’incitation à la haine : « Tous les médias adhèrent à la déontologie de la profession et ne doivent pas inciter à la religion, à l'ethnie, haine raciale ou culturelle, ou appel à la violence ou à la guerre ».
Enfin l’article 66 précise que « les groupes ethniques et culturels ont le droit de jouir de leur propre culture privée et de la développer librement. Les membres de ces groupes ont le droit d'exercer leurs croyances, d'utiliser leurs langues, d'observer leurs religions ou coutumes et d'élever leurs enfants dans le cadre de ces cultures et coutumes ».Système juridique et judiciaire (grandes lignes) :
Le système juridique soudanais se caractérise aujourd’hui par un ensemble composite de règles hétérogènes provenant de trois sources principales dont l’importance et l’application ont varié au cours de l’histoire du pays : la Common Law britannique, la tradition juridique islamique, ainsi que les coutumes locales. La place de chacune de ces sources au sein du système juridique et les rapports qu’elles entretiennent entre elles sont fortement liés à la construction d’une législation nationale.
Au Soudan, le pouvoir judiciaire est exercé par des juridictions de droit commun ainsi que des juridictions spécialisées et exceptionnelles. Les juridictions civiles, pénales, commerciales et administratives appartiennent au même ordre avec à son sommet la Cour suprême. Cette dernière est la plus haute instance judiciaire du Soudan, à l'exception de la Cour constitutionnelle. Selon l'article 30 du projet de déclaration constitutionnelle d'aout 2019, la Cour constitutionnelledeviendra une « cour indépendante du pouvoir judiciaire ». Le tribunal peut faire appel à des jugements de la Cour d'appel en matière civile, pénale et personnelle. Les appels contre les décisions de justice à juge unique sont traités par un panel de trois juges de la Cour suprême. Les quatre cours de circuit de la Cour suprême opèrent en dehors des capitales des États de l'ouest, du centre et de l'est.
La subdivision par ordre d’importance est donc la suivante :
a) La Cour Suprême, qui est la juridiction d'appel en matière civile et pénale ou dans les litiges relatifs au statut personnel en vertu du droit national. La Cour suprême est également compétente pour les examens des crimes et de la peine de mort impliquant des juges de la Cour constitutionnelle.
b) La Cour nationale d'appel, dont le nombre, la compétence et la procédure sont déterminés par la loi.
c) Les autres tribunaux nationaux qui utilisent le droit coutumier pour régler les différends dans les zones rurales, y compris les tribunaux ordinaires, civils et pénaux, les tribunaux d'exception, les tribunaux militaires et les tribunaux ruraux.
Les tribunaux de première instance peuvent être subdivisés en trois degrés hiérarchiques distincts selon le champ plus ou moins restreint de leurs compétences. Les juges uniques qui siègent aux tribunaux de première instance peuvent être des magistrats de troisième, de seconde ou de première classe. Leur classe dépend de leurs états de service ou de leur classement à l’examen d’accès à la magistrature. Les juges de troisième classe sont soit fraichement admis à leur examen d’entrée, soit bénéficient d’avancement dans la fonction publique et entament une nouvelle carrière au sein de la fonction publique judiciaire. Les juges des autres classes sont plus expérimentés.
Une loi de 2004 fait correspondre à ces trois degrés hiérarchiques des juridictions de première instance trois formes de tribunaux coutumiers (qui sont par ailleurs soit urbains, soit ruraux). Ces trois types de tribunaux coutumiers sont placés sous l’autorité des tribunaux municipaux. Leur compétence varie en matière civile et pénale. Davantage de précisions peuvent être données sur ce point si nécessaire. Cette organisation de l’ordre juridictionnel soudanais a pu toutefois être modifiée depuis la constitution de 2019.Droit de la famille (grandes lignes, textes principaux) :
Les droits de la famille sont établis par le code du statut personnel de 1991. Ce code n’a pas encore été mis à jour et son esprit est donc contraire à celui de la nouvelle Constitution de 2019, qui peine encore à être entièrement imposé. La constitution de 2019 ne contient plus de référence à la sharia comme source du droit soudanais. Cependant, on ne peut pas en tirer une incompatibilité entre les dispositions de ce code et la constitution. Ce code du statut personnel de 1991 est assez restrictif envers les femmes et fortement inspiré de la sharia.
Pour l’expliquer il serait possible d’indiquer que
D’après l’article 40 du code du statut personnel, il est possible pour une femme de se marier dès l’âge de 10 ans dans les conditions suivantes :
1) Ne peut être conclu le mariage d'un enfant aliéné, imbécile ou distingué, que par son tuteur après apparition d'un intérêt probable.
2) La distinction se fait par l'âge de dix ans.
3) Le tuteur d'une fille mineure ne peut conclure son contrat de mariage qu'avec l'autorisation du juge. Le tuteur doit prouver que le mariage profitera à la fille mineure, que le mari est convenable et que le mari paie la dot habituellement payée aux femmes de son statut.
De plus, en ce qui concerne le mariage, l’article 34 du code du statut personnel ajoute deux règles :
(1) le mariage d'une femme pubère est conclu par son tuteur avec sa permission et son consentement au mari et à la dot. Sa parole concernant son atteinte de la puberté sera concluante à moins qu'elle ne contredise l'évidence.
(2) L'affirmation expresse ou implicite de la femme vierge pubère est nécessaire si son tuteur a conclu son contrat de mariage et l'en a informée ultérieurement.
L’article 51 du code du statut personnel dispose que les femmes ont des droits vis-à-vis de leur époux :
a) être couvert pour ses frais de subsistance.
b) être autorisée à rendre visite à ses parents et aux membres de sa famille.
c) être traitée de manière égale et équitable avec sa ou ses coépouses.
L’Article 52, lui indique les droits du mari vis-à-vis de sa femme :
a) être pris en charge et obéir à l'amiable.
b) faire en sorte que la femme se préserve elle-même et ses biens.L’article 92 précise que si la femme refuse d'obéir à son mari, son droit d'être pourvue d'un moyen de subsistance cesse d'être valable pendant ce refus.
Si une femme souhaite divorcer, il est nécessaire que des conditions précises soient remplies. Une femme peut demander le divorce si son mari est impuissant (art.153). Elle peut aussi le demander si son mari est atteint d’une maladie mentale grave (art.151). Pour ce dernier cas, un examen médical peut être exigé afin de vérifier si les faits sont exacts (art.155). Elle peut également faire une demande de divorce en cas de blessure infligée par son mari, sur la base de preuves ou de témoins (art.162). Une femme peut également demander le divorce si elle n’arrive pas à remplir ses devoirs auprès de son mari, comme lui obéir. Il faut pour cela des témoins et que cette désobéissance dure plus d’une année (art.162).Droit de la sexualité (relations hors-mariage, homosexualité, pédophilie, viol, avortement, etc.) :
Au Soudan, les actes sexuels hors mariage sont interdits, dont le travail du sexe. En outre, plusieurs activités connexes, telles que gagner de l'argent dans une maison close, « séduire » quelqu'un pour qu'il commette le Zina ou la « sodomie » sont considérés comme des infractions pénales.
L’article 145 du Code civil définit le terme « adultère » de la manière suivante : « Tout homme qui a des relations sexuelles avec une femme sans qu’il n’y est de lien légitime entre eux (mariage), toute femme qui a des relations sexuelles avec un homme sans qu’il est de lien légitime entre eux ». Les peines encourues sont les suivantes : « La mort par la lapidation si l’auteur de l’infraction est marié, 100 coups de fouet lorsqu’il ne l’est pas et peut également, lorsqu’il s’agit d’un homme, être puni d’une expatriation d’un an ».
La prostitution est également prohibée et soumise à une règle très stricte. L’article 155 du Code civil de 1991 indique que « Quiconque séduit une personne ou séduit, incite, prend de l'aide pour prendre, enlève ou engage une telle personne pour commettre Zina, Sodomie, Prostitution. Les absences ou les attentats à la pudeur sont punis de la flagellation ne pouvant excéder cent coups de fouet ou d'un emprisonnement ne pouvant excéder cinq ans et si la personne ainsi séduite est mineure ou aliénée ou si lesdits actes visent à être commis hors du Soudan, l'auteur de l'infraction sera puni d'une flagellation qui ne pourra excéder cent coups de fouet ou d'une peine d'emprisonnement qui ne pourra excéder sept ans. »
En cas de « viol », la peine est la suivante : « Quiconque commet un viol sera puni de cent coups de fouet et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder dix ans à moins que le viol ne constitue le délit de Zina ou de sodomie sera puni de mort. »Cependant, il faut également rajouter qu’il n’est pas toujours évident de démontrer ceci, des arrangements sont toujours possibles, comme épouser son « violeur ». De plus, il est important de signaler qu’une relation sexuelle forcée au sein d’un couple n’est pas légalement considérée comme un viol.
L’homosexualité n’est pas permise au Soudan, comme définit par l’article 148 du Code civil : « si un homme commet un acte de ‘sodomie’ sur un autre homme, il pourra subir jusqu’à 100 coups de fouet ainsi que 5 ans d’emprisonnement, s’il est condamné pour une deuxième fois il aura la même peine que lors de la première condamnation. S’il est condamné pour la 3èmefois, alors il sera condamné à mort ». Mais depuis 2020, cette pratique n’est plus en vigueur.
Le Soudan a ratifié en 1986 le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques, sur le fondement duquel est conceptualisée aujourd’hui la notion de violences sexuelles et sexistes, plus inclusive que celle de viol. Le Soudan a bien transposé en droit interne les dispositions du pacte par la voie de l’article 27§3 de l’ancienne constitution de 2005. Ces droits ont donc valeur constitutionnelle. On peut préciser sur ce point que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies en a bien pris note, dans ses observations finales de 2018 sur le rapport périodique remis par le Soudan, puisque le changement de statut des droits (d’international à constitutionnel) facilitait leur interprétation holistique avec d’autres dispositions de la constitution, notamment celles reconnaissant la sharia comme source du droit.
Si les femmes peuvent en principe poursuivre pénalement leurs agresseurs, l’ancien article 149 du Code pénal soudanais de 1991 (Criminal Act) rendait possible la condamnation pour adultère (zina) de femmes mariées victimes de viols. Circonstance facilitée par le fait que la preuve du viol d’un majeur requiert au moins quatre témoins masculins. L’adultère est passible de la peine de mort sur le fondement de l’article 146 du Code pénal soudanais. Le viol commis au sein du mariage n’est pas reconnu puisque les dispositions du code pénal prescrivent l’obéissance (sexuelle) de l’épouse envers son mari (Sudan Criminal Act, Sct. 52 (a) et 91-95). En outre, le viol est un moyen de faciliter la pratique des mariages forcés et précoces. L’article 40 de la loi sur le statut personnel des musulmans autorise le juge soudanais à valider le mariage de jeunes femmes âgées d’au moins dix ans sur le fondement de toute « justification » pertinente ou s’il est démontré que le mariage sera « profitable » à la jeune fille. La perpétration d’un viol peut ainsi justifier un mariage profitable permettant à la victime d’éviter le scandale et « la perte de vertu ». La preuve du viol est facilitée pour les victimes handicapées ou en cas de viol flagrant sur mineur. Mais même dans ce cas, la Cour Suprême fédérale estexigeante quant au seuil de preuve à atteindre. On peut prendre comme exemple l’affaire Abdelrahim H B relative à un viol flagrant sur mineur, dans laquelle un non-lieu fut prononcé (le témoin direct n’avait pas encore l’âge légal minimum pour témoigner et quelques vices de procédures ont fondé ce non-lieu).
Ces dernières années, des réformes législatives et réglementaires (ainsi que jurisprudentielles) ont relativement amélioré le sort des victimes de viols. Mais ces mesures sont soit ineffectives, soit trop ambiguës (en particulier sur le consentement : l’amendement de la loi pénale en février 2015 n’a pas modifié l’article 152 du Code incriminant largement les comportements « indécents »). Une nouvelle disposition à l’article 151 relative au harcèlement sexuel complique davantage la caractérisation du viol. On peut ici faire référence à l’affaire Noura Hussein, mariée de force à 16 ans et condamnée à mort pour le meurtre de son époux qui tentait de la violer. La très forte médiatisation de cette affaire à l’époque a forcé le gouvernement à commuer sa peine (privation de liberté).Bibliographie indicative :
Casciarri, Barbara. (2015) Ethnographie des pratiques légales autour de la revendication des droits fonciers chez les groupes pastoraux de l’État de Khartoum. L'Année du Maghreb.
Idris Salim El Hassan, « Le Front national islamique : idéologie et pratique », Égypte/Monde arabe, Première série, 15-16 | 1993
Nations Unies Droit de l'Homme, "Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Soudan", 10 oct. 2018.
OFPR, Les mariages forcés, Soudan, 21 février 2019.
Parmar, Sharanjeet, "An Overview of the Sudanese Legal System and Legal Research", GlobaLec, janv. 2007.
Raimbaud Michel, Le Soudan dans tous ses états. L’espace soudanais à l’épreuve du temps. Karthala, « Hommes et sociétés », 2012