Fiche pays : Guinée

Histoire politique du pays :

Le territoire correspondant à la Guinée actuelle était intégré au royaume mandingue sous le règne de l’Empire du Ghana. Aà partir du 4e siècle, celui-ci constituait le premier Etat Ouest-Africain dont le pouvoir s’étendait du Haut-Sénégal au Haut-Niger. Il a ensuite été absorbé, en tout cas parlant de ses régions septentrionales, à l’empire du Mali, notamment à partir du 13e siècle avec pour capitale Niani. La Guinée n’existait en tant qu’Etat moderne qu’en début de 1891 avec la colonisation française.

D’abord, colonie française indépendante du Sénégal, puis devenue partie intégrante de l’Afrique Occidentale Française (AOF), la métamorphose de la Guinée ne s’est pas déroulée pacifiquement au regard de l’intensité de la résistance surtout celle menée par Samory Touré.

Du point de vue du peuplement, la Guinée s’est constituée à la suite du déclin de l’empire du Mali au 16e siècle avec, surtout, d’un côté, le reflux des Mandékas ayant occasionné la naissance des provinces du Dioma, de Niagassola et du Hamana et de l’autre, la formation de la province du Baté.

La conquête des côtes guinéennes a débuté par les Portugais qui ont été par la suite évincés par les britanniques. Elles furent plus tard dominées par la France qui y poursuivirent le commerce d’esclaves avec l’appui de chefs traditionnels locaux. Cette situation a perduré jusqu’en 1875 où la France a affiché clairement ses intentions vis-à-vis de la Guinée. En effet, après un compromis avec ses puissances rivales et de nombreux accords, traités et conventions impliquant les chefs traditionnels, la France s’est effectivement emparée des « rivières du sud » : ce qui marque le début de la colonisation de cet espace.

La colonisation française a très vite été contestée et critiquée et naissait peu à peu un sentiment anticolonial expansif au sein des intellectuels guinéens, avec en tête Ahmed Sékou Touré descendant de Samory Touré qui dirigeait alors, l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire (UGTAN).  

La Guinée est l’un des rares pays d’Afrique Occidentale de colonisation française ou même l’unique, présentant une opposition inflexible par rapport à la pérennisation de sa relation, conformément aux directives édictées par la France. En effet, au référendum du 28 septembre 1958 sur l’accession du pays à l’indépendance, organisé sous l’impulsion du syndicaliste Sékou Touré, la population a décidé d’un « non » marquant « l’indépendance immédiate » contre un « oui » qui donnerait droit à la constitution « d’une Communauté franco-africaine » telle que proposée par le général De-Gaulle et dont les contours avaient été énoncés à la conférence de Brazzaville en 1944.

A la suite de cette décision, le Président Sékou Touré a décidé d’abandonner le Franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA) et a procédé à la création d’une monnaie locale. Cette succession de décisions n’était naturellement pas du goût de la France qui pensait, d’ores et déjà, user de stratégies diverses aux fins de « déstabiliser Sékou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise du pouvoir par l’opposition » (Le Monde diplomatique, 2004).

La matérialisation du référendum du 28 septembre 1958 a conduit la Guinée, le 2 octobre 1958, à la souveraineté internationale. Le pays est alors dirigé, d’une main de fer et sans partage par Sékou Touré. Devenu très populaire, aussi bien dans son pays que dans les autres pays d’Afrique, ce dernier prône le panafricanisme, appelle à une décolonisation rapide, et instaure une société socialiste.

Le décès de Sékou Touré le 26 Mars 1984 est suivi de la mise en place d’un gouvernement intérimaire.  Mais, le 3 avril 1984, un coup d’Etat militaire est mené par Lansana Conté, alors président du Comité révolutionnaire du redressement national (CMRN). Il procède au démantèlement du système socialiste et se rapproche de la France et des Etats voisins.

Le 2 octobre 1988 a connu mise en place d’un comité d’élaboration de la loi fondamentale, puis le 23 décembre 1990 a été marqué par l’approbation d’une nouvelle constitution pour le pays.

Le 3 avril 1992 consacre l’année de l’adoption et de la légalisation du multipartisme. Celle-ci est suivi, le 19 décembre 1993 par les premières élections multipartites dans un climat de graves émeutes ayant maintenu le président Lansana Conté au pouvoir.

Le 30 août 1995 annonce la mise en place de la première assemblée nationale pluraliste. Ces élections législatives ont été fortement contestées par l’opposition.

Le mois de décembre 1998 marque le déroulement d’un scrutin présidentiel dans un climat tendu et mise en arrêt immédiat du chef de l’opposition Alpha Condé.

Le mois de juin 2000 consacre la tenue des élections municipales.

Le 11 novembre 2000 a vu l’organisation d’un référendum pour la réforme de la constitution.

Le 30 juin 2002 marque l’organisation des élections législatives boycottées par l’opposition.

Le 21 décembre 2003 consacre les élections présidentielles boycottées par l’opposition dont le résultat est la reconduction de Lansana Conté.

Le mois d’avril 2004 a vu la démission du Premier Ministre étant en voyage à l’étranger au motif, selon lui, que « le président bloque tout » et l’on note également la persistance du manque de dialogue.

Le mois de janvier 2005 marque la tentative d’assassinat du Président Lansana.

Le mois d’avril 2006 consacre le limogeage du Premier Ministre.

Le mois de juin 2006 était la date de la grève générale et des manifestations pour l’amélioration du pouvoir d’achat.

Les mois de janvier-février 2007 sont marqués par une grève générale avec un bilan de plus de 100 morts. L’Etat de siège est décrété. Au mois de mars 2007, un gouvernement de consensus est mis en place sous la pression populaire.

Le mois de mai 2007, une mutinerie de soldats a sévi dont le mobile était une revendication relative à la hausse de leurs soldes.

Le mois de janvier 2008 a enregistré le limogeage du premier Ministre.

Le 22 décembre 2008 consacre le décès du président Lansana Conté, la dissolution du gouvernement et la suspension de la constitution par l’armée.  Dadis Camara est auto-proclamé Chef de l’Etat.

Le 16 novembre 2010 marque l’élection de l’opposant Alpha Condé en tant que Président de la République.

Le 5 septembre 2021 est la date du dernier coup d’Etat en date en Guinée plaçant ainsi la junte militaire au pouvoir jusqu’à ce jour.


Contexte juridique :

Le contexte juridique de la Guinée est caractérisé par des textes nationaux et supranationaux. Au niveau des textes nationaux, l’on peut relever :

  • La loi fondamentale du 23 décembre 1990 révisé le 11 novembre 2001 ;
  • Le Code pénal ;
  • Le Code de Procédure pénale ;
  • Le Code civil ;
  • Le Code foncier et domanial.

Les textes internationaux ratifiés sont par exemple :

  • La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 ;
  • Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) de 1966 ;
  • La Convention pour l’Elimination de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF) de 1979 ;
  • La Convention contre la Torture et autres Peines et Traitement Cruels, Inhumains et Dégradants (CCT) de 1984 ;
  • La Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) de 1989 ;
  • La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) du 21 octobre 1986.

Dynamique de la présence historique de l’Islam dans le pays :

La terre guinéenne a accueilli l’Islam au cours du 17e siècle suite à la montée migratoire des peulhs nomades de la vallée du Niger, notamment du Macina, du Sahel et du Tichit. Ceux-ci ont obtenu un accueil convivial de la part des Sossou d’origine Mandé après leur avoir attribué l’appellation Foula.

L’Islam a continué ainsi à se propager et à se développer, dans le cadre d’un Etat théocratique du côté de la portion centrale de la Guinée de 1727, jusqu’à la pénétration française au 19e siècle. Cet Etat était une confédération composée de neuf provinces, chacune dirigée par un « Alfa », dont le chef est « Almamy » (imam en arabe) et qui était en même temps chef de province de Timbo.

Le pays a connu une deuxième phase de l’expansion de l’Islam entre le 18e et le 19e siècle avec la formation des Etats islamiques soudanais dont le Fouta-Djalon.  Décrivant le pays, Bernard Salvaing, dans un article intitulé « Historical documents written in arabic and fulfuldé in Futa Jallon (Guinea) » invoquait qu’il était noir, couvert par des forêts et habité par des « kufâr » (expression arabe désignant le pluriel de « kâfir » qui veut dire « païen ou inculte », joueurs de tam-tam. (B. Salvaing, 2020 : 450-470).

L’Islam guinéen est sunnite, du rite malékite et essentiellement marqué par un soufisme qadarite, chazelite et tidjanite. Il comprend par ailleurs une présence minoritaire de communautés Chiite et Ahmadiyya.

Il faut entendre par le soufisme qadarite une pratique islamique mystique fondée par Abd al Qadir Al Jilani, irakien d’obédience hanbalite originaire de Baghdâd, au 12e siècle. Elle a comme caractéristiques le mixage entre le mysticisme, la liturgie des séances de prières avec prédominance des invocations (dhikr).

Le courant chazelite est un courant musulman confrérique considéré comme un jalonnement de la voie de Ghazali, fondé au Maroc par Abu al Hassan al Chaziliy au 13e siècle. Son enseignement se focalise surtout sur les litanies initiatiques, les invocations et les oraisons instaurées par Al Chaziliy. Il se distingue des autres courants par sa tenue vestimentaire, l’usage particulier du chapelet et l’exclusion de l’enseignement philosophique qui constitue, selon eux, une voie menant aux hypothèses, aux suppositions et l’éristique.

Le soufisme tidjanite est un courant confrérique fondé au 18e siècle. Tirant sa dénomination de son fondateur Ahmed al Tidjani (1737-1815), né dans le Sahara algérien et poursuivant ses études à Fès au Maroc. Le tidjanisme représente, conformément aux enseignements de son initiateur, la dernière des confréries et la plus importante à bien des égards. Les spécificités de cette confrérie se traduisent par l’abandon de tout enseignement islamique antérieur et la pratique exclusive des enseignements d’al Tidjani et promet le plus haut paradis à tous les adeptes et leurs descendances. Elle se distingue par la pratique de certains rituels tels que le wird (la récitation de certaines paroles à vocation expiatoire des péchés), la wazifa (une extension du wird mais à caractère obligatoire) et le dhikr (le wird accompli dans un ordre numérique spécifique suivi d’autres paroles récitées sous une forme qu’il est impératif de respecter).

Le chiisme est un courant islamique fondé par les partisans du calife Ali Ben Abi Talib. Il constitue l’un des plus anciens courants musulmans dont l’apparition remonte au décès du Prophète Mohammed. Selon Fârès Gillon, en l’absence de son gendre Ali, la gestion des affaires des musulmans fut confiée à son compagnon Abu Bakr. Cette nomination n’était pas appréciée par certains compagnons qui pensaient qu’elle devrait légitimement revenir à Ali en tant que membre de la famille prophétique. La division entre les musulmans n’est apparue avec une acuité importante qu’à la suite de la bataille ayant coûté la vie, à Karballah, à Houssein (fils d’Ali) et sa famille en 680 par l’armée de Yazid 1er (fils de Moawiya).

La doctrine chiite repose sur deux principes fondamentaux : le dualisme et la dualité. Le dualisme consiste à faire de l’histoire, le théâtre d’une lutte perpétuelle entre amis et ennemis de Dieu. Quant à la dualité, elle enseigne que toute chose doit incarner une double facette : le caché et l’apparent d’où la nécessité absolue, pour « le caché » de faire recours à l’interprétation d’un « imam », Ali étant le premier.

Le courant Ahmadiyya quant à lui, est fondé en 1889 à Qadian dans la province de Punjab en Inde par Hadhrat Mirza Ghulam Ahmed, un fervent croyant musulman de son époque. La croyance du mouvement Ahmadiyya repose sur des principes dont la possibilité de l’arrivée des prophètes inférieurs « d’une importance subalterne » à Mohammed, en l’occurrence, le fondateur de leur mouvement. Les adeptes de ce courant estiment également que Jésus n’est pas mort sur la Croix mais à Srinagar au Cachemire.

Constitution et religion, constitution et Islam :

La constitution de 2010 a largement consacré la laïcité de l’Etat, ainsi que la liberté des croyances religieuses et le principe de la non-discrimination liée aux croyances ainsi que la liberté d’association. On retrouve ces dispositions dans les articles : 1, 4, 7, 8, 11 et 14 de cette loi fondamentale.

Les différentes religions et croyances cohabitent sous la garantie de la protection offerte par les dispositions de la constitution, les musulmans étant les plus nombreux avec un taux de 84,4% de la population suivi des chrétiens représentant 10,9% et ensuite les religions traditionnelles : 2,7%. Tout comme dans les autres pays d’Afrique, les religions traditionnelles ont existé longtemps avant l’Islam et le Christianisme, et continuent de jouer un rôle important.

Même si le constituant guinéen a encadré la pratique religieuse, il n’en demeure pas moins que de l’avis de Robert Sarah, archevêque de Conakry, les relations entre les musulmans et les chrétiens, paisibles dans les années 1975, se sont détériorées avec le retour des étudiants guinéens formés en Arabie Saoudite. Par ailleurs, il est important de relever que d’une manière globale, les chrétiens guinéens, même à travers l’histoire, ont connu, en tout cas sous le règne de Sékou Touré, un passé assez tumultueux avec la nationalisation des écoles privées dont les écoles catholiques et l’emprisonnement de l’archevêque de Conakry.

Dans une déclaration du secrétaire général adjoint aux affaires religieuses à la Radiotélévision Guinéenne (RTG), le Gouvernement a décidé en rapport avec l’ONU de procéder à la règlementation du fonctionnement des mosquées et des foyers d’enseignement coranique. Il s’agit d’abord, pour donner un caractère inclusif à ce projet, de recueillir les propositions des leaders musulmans puis élaborer un projet de loi en vue de définir le profil d’un imam, clarifier l’ordre de succession et en prenant en compte la restructuration des mosquées et des écoles coraniques. Cette réforme est envisagée pour prévenir l’extrémisme violent dont la Guinée est peu confrontée à l’opposé de certains Etats africains.

Face aux incessantes crises politico-sociales auxquelles a été exposée d’une manière récurrente la Guinée, l’Union de clergé de Guinée, en sa 34e assemblée ordinaire a appelé les autorités gouvernementales au respect de la constitution et au devoir d’assurer la sécurité des citoyens ; toute chose qui, du point de vue d’un activiste de la société civile guinéen, indique que, pour importantes qu’elles soient, les croyances religieuses jouent un rôle central dans la conduite des affaires de l’Etat : « il y a une forte communauté musulmane et chrétienne en Guinée. Et que c’est dans les mosquées et dans les églises que tout se dessine. »

Système juridique et judiciaire :

Le système juridique guinéen est teinté d’un pluralisme se présentant, d’une part, par la règlementation de la vie en société à travers les instruments nationaux et internationaux légaux offrant, de ce fait, les mêmes droits et devoirs à l’homme et à la femme. Ceux-ci sont néanmoins entachés de quelques aspects inégalitaires, de moindre envergure, et d’autre part, par des pratiques, à la fois traditionnelles et ou religieuses connues sous l’appellation « pratiques coutumières »  plus ou moins informelles et officieuses.

Ce système répond à une hiérarchisation des normes avec la suprématie de la loi fondamentale qui est la constitution dont la vocation est de définir les règles générales de conduite et d’organisation de l’Etat et de la population. La constitution est suivie de textes législatifs tels que le code civil, le code pénal, le code de procédure pénale, le code de l’enfant, et les textes réglementaires comprenant les décrets, les arrêtés et les décisions.

En matière de droit privé, la Guinée ne s’est pas encore dotée d’un code de la famille à l’instar de certains pays d’Afrique subsaharienne mais dispose, tout de même, d’un code civil, d’un code de l’enfant qui, dans une large mesure, ont pris en compte les aspects concourant à réguler la société.

La situation de la Guinée n’est pas très différente de celle de la quasi-majorité des pays d’Afrique où le pluralisme juridique a eu pour corolaire le pluralisme judiciaire et n’arrive guère à s’en défaire, bien que celui-ci soit informel à bien des égards.

Au nombre des textes qu’il est nécessaire de dénombrer en l’espèce :

  • La loi L95/21/CTRN du 6 juin 1995 relative à l’organisation judiciaire en République de Guinée ;
  • La loi L95/21/CTRN du 6 juin 1995 portant réorganisation de la justice en République de Guinée ;
  • La loi L98/014/AN de 1998 adoptant et promulguant la loi portant amendements de la loi L95/21/CTRN du 6 juin 1995 relative à l’organisation judiciaire en République de Guinée ;
  • La loi L2013/054/CNT du 7 mai 2013 portant statut des magistrats ;
  • Le décret 001/031/PRG/SGG portant amendements de certaines dispositions de la loi L98/04/AN du 16 juin 1998 modifiant la loi L95/21/CTRN du 6 juin 1995 réorganisant la justice en Guinée ;
  • Le décret 2003/069/PRG/SGG du 9 juillet 2003 portant création d’une Commission nationale OHADA ;
  • Le décret 2004/055/PRG/SGG du 30 juillet 2004 portant nomination de Magistrat ;
  • Le décret 2005/010/PRG/SGG du 1er mars 2005 portant application de la loi organique sur le statut de la magistrature.

La Guinée dispose, outre de la Cour suprême qui est la plus haute juridiction de l’ordre administratif et judiciaire et en même temps un organe consultatif, d’une organisation judiciaire obéissant au principe de double degré de juridiction composant d’une part les juridictions ordinaires ou de droit commun et d’autre part, les juridictions d’exception.

Dans l’histoire judiciaire de la Guinée, la Cour suprême a connu diverses dénominations : tribunal supérieur de Cassation de 1954 1984 ; Cour suprême de 1984 à 1986 ; Chambre Nationale d’Annulation de 1986 à 1991 ; et Cour suprême depuis 1991.  

Les juridictions ordinaires se composent de Justices de paix, tribunaux de première instance, et cours d’appel avec, d’un côté, la Cour d’Appel et de l’autre, la Cour d’assises, elle-même subdivisée en Cour d’assises et Cour d’assises des mineurs.

S’agissant des juridictions d’exception, elles regroupent les tribunaux pour enfants, la Cour de sureté de l’Etat, la Haute Cour de justice et le Tribunal militaire. La zone spéciale de Conakry dispose également d’un Tribunal du Travail.

En dehors du système judiciaire formel et compte tenu de l’état de pauvreté et la faible éducation de l’écrasante partie de la couche sociale ainsi que les pesanteurs socio-culturelles, le recours à des pratiques coutumières est courant pour non seulement procéder au règlement des différends et dans la contraction des mariages ou dans les dévolutions successorales. Cela perdure malgré les dispositions draconiennes contenues, notamment en matière du mariage, dans le code civil.

D’une manière générale, une grande affluence de la population est constatée vers les instances coutumières pour des sujets relevant du droit privé. Un témoignage marquant d’un commissaire de police indique que les services du commissariat ne sont sollicités qu’après épuisement des tentatives de gestion des affaires au niveau communautaire. 

Droit de la famille :   

La règlementation reste fondamentalement la normativité contenue dans la constitution, le code civil et le code de l’enfant. De plus, pour des questions d’ordre successoral, le recours aux normes islamiques semble être la référence dans la mesure que l’homme obtient le double de la part de la femme.

Mariage :

Le mariage est encadré par les dispositions de l’article 201 et suivants de l’ancien code civil. A ce titre, l’article 202 dispose : « le mariage civil doit procéder obligatoirement le mariage religieux. Toute infraction aux présentes dispositions entraînera l’application d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à un an d’emprisonnement ». Quant à l’âge légal du mariage, l’article 280 le fixe à 17 ans chez la jeune fille et 18 ans chez le garçon. Toutefois, pour les prétendants n’atteignant pas l’âge requis, il est donné possibilité aux responsables familiaux des concernés la saisine du Président de la république aux fins de dérogations justifiées par le biais du Procureur de la République.

La problématique du mariage écumant la population guinéenne, notamment musulmane, est celle qui concerne le mariage religieux qui, du point de vue du droit musulman, constitue le socle même de la légalité de la vie conjugale. La révision du code civil en 2019, bien apprécié des activistes féministes, a consacré le régime monogamique en occultant complètement le mariage religieux. Cette situation exacerbe encore les opinions en Guinée et génère, par la même occasion, le recours informel des populations aux autorités traditionnelles et religieuses en vue d’assouvir ce sentiment individuel de légalité des actes du mariage.  

Divorce :

Dans une étude menée par le réseau Genre et Action en Guinée sur les femmes fonctionnaires qui demandent le divorce, ce dernier a été défini comme « une crise relationnelle dont les causes –multiples- sont internes et externes à la vie du couple. »

Selon l’article 304 du code civil, le divorce est envisagé pour les motifs suivants :

  • Consentement mutuel ;
  • Cas de rupture de la vie commune ;
  •  Faute

Selon l’article 317, sont constitutives de fautes donnant lieu à intenter une démarche aux fins de divorce, les actes ci-après :

  • Les injures graves ;
  • Le refus persistant d’accomplir des devoirs conjugaux ;
  • La répudiation ;
  • Les sévices graves et autres mauvais traitements.

Quant à la procédure du divorce, elle débute par une tentative de conciliation par le juge comme l’invoquent les dispositions des articles 322 et suivants. Dans l’impossibilité d’obtenir un consensus, le divorce est prononcé.

Les successions :

Les successions (héritage) sont encadrées formellement par les dispositions des articles 658 et suivants du code civil. En effet, l’article 666 statuant sur les personnes ayant qualité héréditaire, dispose : « ont vocation héréditaire, les personnes qui, par le mariage ou la parenté, se trouvent être les plus proches du défunt auquel elles ont survécu. La qualité de successible est établie par un jugement d’hérédité qui, lui-même, est une décision d’homologation du procès-verbal de conseil de famille… le jugement d’hérédité détermine les personnes qui sont habiles à succéder au défunt. En outre, il désigne, s’il y a lieu, un administrateur provisoire de succession. Cet administrateur aura pour mission de recenser les biens du défunt et de les gérer en bon père de famille. »

S’agissant du partage des successions, l’article 734 dispose: « le partage est soit à l’amiable, soit judiciaire. Si tous les héritiers sont majeurs, ils se partagent entre eux à l’amiable la succession. Si le partage à l’amiable est impossible ou si l’un des héritiers est mineur ou absent, le partage judiciaire se fait conformément aux dispositions des articles 1253 et suivants du Code de procédure civile, économique et administrative.

Dans un rapport de mission de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides en collaboration avec la Cour Nationale du Droit d’Asile en 2018, il ressort que dans certaines régions comme au Fouta, les imams procèdent au partage des successions conformément aux prescriptions du Coran. Le même rapport indique que « les femmes ne sont éligibles à l’acquisition des terres au motif qu’elles sont censées vivre chez leurs époux. »

Ce qui est évident, le recours de la population, surtout à 85% musulmane, aux instances traditionnelles et religieuses pour des dévolutions successorales en particulier et les questions relatives au droit de la famille en général laisse comprendre que l’application de la normativité islamique est d’une ampleur certaine dans ce territoire.

Droit de la sexualité (relations hors-mariage, homosexualité, pédophilie, viol, avortement, etc.) :

Relations hors-mariage :

Pour paradoxal que cela puisse paraître, malgré le taux de 85% de la population musulmane dont regorge la Guinée et avec toute la prohibition de celui-ci des relations extra-conjugales, le pays enregistre une importante pratique de concubinage. Ce comportement s'explique, à priori par le fait que cette pratique est presque "culturelle." En effet, les faits historiques y relèvent que le mariage est scellé définitivement après l'observance de plusieurs étapes parmi lesquelles, la retraite du prétendant avec la fiancée en vivant maritalement avec elle. Ce n'est que des années plus tard, à la suite de "la fuite légale" de la fiancée que celle-ci décide si le mariage devrait être conclu ou s'estompé.

Une enquête menée par la plateforme d’information Guinée News rapporte le témoignage d'une lycéenne qui affirme qu'elle a un petit ami, comme la plupart de ses amies, qui, en réalité, selon elle, n'est plus un simple petit ami mais plutôt une personne avec laquelle, elle partage beaucoup de choses et qui est prête à la défendre devant n'importe quelle situation.

Une autre illustration encore plus explicite concerne la situation d'une femme mariée qui témoigne qu'après plusieurs années de mariage, son époux n'arrive plus à se défaire de son amie d'enfance qu'il continue de voir et de fréquenter.

Homosexualité :

Les relations homosexuelles sont réprimées dans le code pénal. Les personnes concernées sont régulièrement traquées par la police en charge des mœurs et poursuivies. Il existe une minorité de personnes vivant dans le strict anonymat et exercent leur orientation sexuelle à l'occasion des rencontres dans une soixantaine de lieux à Conakry regroupant des bars, des restaurants et des discothèques.

L'article 274 de la loi 2016/059/AN portant code pénal dispose :"Tout acte impudique ou contre nature commis avec un individu de son sexe ou avec un animal est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d'une amende de 500 000 à 1 000 000 de francs guinéens ou de l'une de ces deux peines seulement."  

Viol et pédophilie :

Le viol et la pédophilie sont fortement réprimés par le code pénal guinéen. L'article 268, après avoir défini le viol par "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte ou surprise," prononce les peines infligées aux contrevenants. Il s'agit des sanctions dont la teneur suit : "le viol est puni de la réclusion criminelle de 5 à 10 ans. Le viol est puni de réclusion criminelle de 10 à 20 ans :

  1. Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
  2. Lorsqu'il est commis sur un mineur de moins de 18 ans ;
  3. Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou mentale, ou à un état de grossesse apparente ou connue de l'auteur ;
  4. Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait..."

Par ailleurs, le code pénal dans son article 272, statuant sur les actes portant atteinte à la pudeur, dispose : " tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la personne d'un enfant de l'un ou de l'autre sexe âgé de moins de 16 ans est puni d'un emprisonnement de 3 à 10 ans. Est puni de la même peine l'attentat à la pudeur commis par tout ascendant sur la personne d'un mineur, même de plus de 16 ans mais non émancipé par un mariage."

Il faut noter que la majorité civile s'obtient à l'âge de 17 ans chez la fille et de 18 ans chez le garçon dans la législation guinéenne.

Avortement :

L'avortement constitue une infraction punie par le législateur. Selon  l'article 262 du code pénal, "l'avortement consiste à employer des moyens ou substances destinées à provoquer l'expulsion prématurée du fœtus ou, plus généralement, l'interruption artificielle de la grossesse."

L'article 263 dispose : " Quiconque, par aliments, breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou tout autre moyen, sauf cas prévus et autorisés par la loi pour raison de santé, procure ou tente de procurer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte, qu'elle y ait consenti ou non, est puni d'un emprisonnement de 1 à 2 ans et d'une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs guinéens, ou de l'une de ces deux peines seulement."

Bibliographie indicative :

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J. E. Larralde et M.J. Redor-Fichot (dir). "Le droit de la famille en révolutions" in Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux ; Presses universitaires de Caen ; 1er novembre 2013.

H. Nadafi. "La liberté de religion dans les Etats de droit musulman" in HAL Open Science ; https://www.tel.archives-ouvertes.fr/tel-01113597. Publié le 05 février 2015.

J. Cuoq. " Nicolas Guy : Dynamique de l'Islam au Sud du Sahara" in Revue française d'histoire d'Outre-mer ; tome 67. N° 250-253 ; 1981. Etat et société en Afrique noire. PP.496-497.

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