La charia, c’est, littéralement, « le chemin terrestre qui mène à Dieu ». Ce chemin, comme pour toutes les religions révélées, comporte une dimension normative, c’est-à-dire une série de prescrits et d’interdits. La charia est donc une Loi avec un L majuscule, parce qu’elle est d’essence divine. Ceci étant dit, il reste à explorer les sources desquelles dérivent la Loi, leur hiérarchie, les interprétations qui en sont faites, la façon dont savants et croyants s’en sont emparés et la forme que cela peut prendre dans le contexte contemporain.
Parmi toutes les acceptions possibles de la charia, il en est deux qui, bien qu’antinomiques, se répondent l’une à l’autre comme dans un jeu de miroirs déformants. L’une fait de la charia une abstraction vertueuse, un modèle de comportement et une norme intangible pour le croyant. L’autre la tient pour l’incarnation d’un islam arriéré, porteur de valeurs intrinsèquement opposées à la civilisation moderne. Ces deux visions ont en commun de réifier la charia, d’en faire une chose en soi, une essence, avec ce paradoxe que ce ne sont pas tant les sources dans lesquelles ces deux visions antagonistes puisent qui diffèrent que la valeur qu’on leur attribue. Autrement dit, ces deux versions sont les deux faces d’une même pièce, solidaires et indissociables, alors même qu’elles se situent littéralement aux antipodes l’une de l’autre. Qu’en est-il, plus précisément ?
Baudouin Dupret, Directeur de recherche au CNRS, Sciences Po Bordeaux
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